La vie d’un homme vaut plus que les mauvaises raisons
d’État. Vous en êtes convaincus, nous le savons, et c’est
pourquoi nous nous adressons à vous.
Pour être entendus, sous peine de mort.
Le 20 décembre 1985, A. Khalki, G. Courtois,
et P. Thiolet se sont rendus aux forces de police, dirigées
par monsieur le préfet Broussard, après une prise d’otages
qui ne fit aucune victime.
Devant témoins, le préfet Broussard
fit la promesse à Khalki de l’expulser vers le pays de son choix.
Pour ne pas exécuter la promesse, on invoqua le refus du Maroc de
recevoir son ressortissant.
Khalki n’a pourtant jamais sollicité son
expulsion vers le Maroc. Le bon sens le plus élémentaire
l’en eût dissuadé.
Khalki n’a pas eu à choisir. Il s’est soumis
à cette proposition d’expulsion qui le privera pour toujours de
vivre en France. Il y résidait depuis 12 ans.
Il n’entend pas accepter qu’on revienne aujourd’hui
sur la parole donnée. Or depuis le 22 décembre, Khalki, placé
sous mandat de dépôt, est incarcéré. On se refuse
à l’expulser, en violation manifeste des assurances que monsieur
le préfet Broussard lui a données.
Khalki a engagé une grève de la faim.
Il est au 35e jour. Il vient de cesser de s’alimenter en eau.
Nous estimons que rien, ni dans la raison d’État
ni dans l’idée de justice, ne peut légitimer le refus de
respecter cette parole donnée. La justice la plus élémentaire
impose le respect des engagements pris pour obtenir la reddition des preneurs
d’otages.
La sécurité impose de maintenir le
crédit de ceux qui assument seuls la négociation des redditions.
À défaut, c’est la sécurité physique des prochains
otages qui est mise en jeu.
La morale nous impose de respecter la promesse faite
à Khalki, ne serait-ce que par égard pour le consul du Maroc
en France, qui y fut associé par le serment sur le Coran.
La justice et le souci de sécurité
y trouveront leur compte.
Nous vous demandons solennellement de procéder
à l’expulsion de A. Khalki vers le pays étranger de son choix.
Khalki ne peut être en France la première
victime d’une grève de la faim, sacrifié à d’obscures
raisons d’État. L’engagement pris était sage et juste.
Le ministre de la Justice ne saurait
concevoir d’autre chemin que le respect de la parole donnée.
Le ministre de l’Intérieur ne saurait prendre d’autres mesures que l’expulsion.
Sous peine de mort.